Mamby Fofana
Le jardin de la biodiversité de Mamby est un exemple pour les "agriculteurs du futur". Cést un centre expérimental d'agriculture, de recherche et d'apprentissage respectueux du climat.
Présentation de l'initiative
Histoire familiale:
Je suis d’une famille de paysans (Père et mère). Mon père était chasseur avec beaucoup de connaissances sur la nature. Ma mère était accoucheuse traditionnelle avec beaucoup de connaissances sur la thérapie avec les plantes. Tous les deux m’ont initié depuis le jeune âge. Depuis plus de 25 ans, je sus membre de la fédération nationale des chasseurs du Mali. Je suis aussi membre des ethnobotanistes (phyto- thérapie) du Niger.
Six (6) facteurs conditionnent la réussite de l’agriculture au Mali au niveau de l’exploitation agricole/champ:
- Sols- plus de 60% des sols sont pauvres et carencés- il faut veiller à leur fertilisation/restauration
- Eau- est un facteur limitant- il faut rationnaliser son utilisation
- Plantes/semences : les semences ou variétés ne sont pas en général productives- il faut veiller au bon choix
- Le climat est sec- il faut l’adoucir au niveau de la parcelle en contrôlant le vent et l’humidité
- Les techniques agricoles sont rudimentaires- il faut les améliorer
- Les politiques publiques sont défavorables aux paysans même si ceux- ci sont majoritaires
Les défis de l’agriculture au Mali au niveau global
- Avoir une bonne politique agricole qui sécurise le financement (prêt aux producteurs et candidats) et le foncier et une assurance risque climatique
- Avoir un bon conseil agricole (extension service– vulgarisation agricole) fourni par l’État aux paysans
- Le climat sahélien est fragile- défi d’avoir un système d’information climatique fiable pour les paysans
- Les sols tropicaux maliens sont largement dégradés –défis de généraliser les bonnes pratiques agricoles qui préservent le potentiel de production des sols
- Les ressources en eau sont limitées au sahel- défis de généraliser les bonnes pratiques agricoles moins consommatrices d’eau
- Défi de l’éducation du public à l’agriculture durable et à l’éducation environnementale pour adultes et surtout pour la jeunesse.
Démontrer que l'agriculture intelligente résiliente au climat est possible et rentable au Sahel.
Recherche en cours
21/06/2021 - projet toujours en cours
- Il y a une centaine d’espèces d’arbres et d’animaux domestiques dans le champ et autour parmi lesquels une quinzaine de fruitiers (pour la conservation du sol, les plantes médicinales et /ou fourragères et la production de bois).
- La plantation produit au moins 60 tonnes de fruits par an de différences espèces dont 95 % pour seulement les agrumes (oranges, mandarines, pamplemousses, pomelo).
- Conservation du sol contre l’érosion due au vent et à la forte pluie à travers des ouvrages de conservation des eaux et sols (Water catchment systems)
- Haie- vive (rideau d’arbres- living fences) épaisse autour de la ferme créant un microclimat à l’intérieur
- Interdiction de couper les pieds d’arbres. Seules les branches peuvent être diminuées pour faire du bois de chauffe (énergie domestique) et les feuilles comme fourrages pour les animaux.
- Cuvettes (contours) autour des arbres pour diminuer la consommation d’eau et pour mieux valoriser l’apport de fumure organique
- Paillage (mulching) autour de chaque pied d’arbre pour réduire l’asséchement du sol et réduire les besoins d’eau
- Mélange de plusieurs espèces sur la même ligne pour réduire la propagation des maladies des arbres
- Utilisation de la fumure organique (production biologique) à la place de l’engrais chimique (existence d’une fosse de compost de 60 m3/an)
- Utilisation d’insecticides biologiques (feuilles de certaines plantes) à la place des produits chimiques
- Utilisation de plantes fertilisantes (légumineuses) dans la plantation pour permettre la reconstruction naturelle de la fertilité du sol
- Installation de ruches autour du champ pour assurer la pollinisation par les abeilles les fleurs pour une meilleure production de miel et de fruits.
Financement personnel à partir de mon salaire d'employé d'agent de développement et le réinvestissement des recettes de production
de l'organisation
Le jardin de la biodiversité de Mamby, un exemple pour les « agriculteurs du futur ».
Un centre expérimental d’agriculture, de recherche et d’apprentissage respectueux du climat.
La petite parcelle de terre dégradée acquise en avril 1994 ne fait que 1,7 hectare. Ce morceau de terre, qui était un sol rouge de poussière africaine, a été transformé en sol fertile et en forêt ! Aujourd’hui, la ferme abrite plus de 80 espèces végétales et animales. Plus de 100 étudiants en agriculture, élevage, sylviculture et économie ont passé leur temps de stage à étudier la taxonomie, la dynamique des populations, le lien entre le sol, l’eau et les plantes, etc. Agissant comme un centre de marketing social, je reçois au moins 20 nouveaux visiteurs par mois (en plus des 10 visiteurs habituels du samedi) parmi lesquels des chercheurs, des praticiens du développement et des décideurs politiques. La ferme a été visitée par divers collègues de la coopération au développement, des membres d’ONG nationales et internationales présentes au Mali ainsi que par des candidats à l’agriculture innovante et des écoliers. Elle agit comme un centre d’inspiration et de changement de comportement positif envers la biodiversité et l’agriculture durable. J’ai publié en 2003 un manuel du praticien de la ferme en 500 exemplaires intitulé « Peri-urban sustainable Agriculture- a Practitioner’s manual ».
Le type de système agricole utilisé est l’agroforesterie qui fait partie des systèmes de production alimentaire durables qui augmentent la productivité et la production, maintiennent les écosystèmes, renforcent la capacité d’adaptation au changement climatique et à d’autres catastrophes, et améliorent la qualité des terres et des sols. L’agroforesterie contribue à améliorer les microclimats des exploitations, en retenant les sols et en augmentant l’eau disponible pour les plantes. Au fil du temps, les arbres génèrent non seulement des produits diversifiés pour l’alimentation et la vente, mais ils contribuent également à augmenter l’approvisionnement en eau des étangs et des puits les plus proches en fournissant de l’ombre et en réduisant l’érosion. Associé au compostage et à d’autres pratiques visant à améliorer les sols, j’ai pu récupérer des terres auparavant inutilisables pour les cultiver.
Le gouvernement du Mali a utilisé la ferme à la CdP 17 de Durban comme source d’inspiration pour la gestion durable des ressources foncières. La GIZ a également utilisé cette ferme comme ferme de référence dans ses projets et a présenté un film à ce sujet lors d’un événement parallèle à la COP 23 à Bonn, en Allemagne, du 6 au 18 novembre 2017 !
Les moteurs du succès
Le succès est venu à travers l’agroécologie/agroforesterie, les méthodes de gestion durable des terres agricoles et des ressources en eau, l’utilisation de sources d’énergie alternatives comme les panneaux solaires à travers une longue conduite de perspective. Le secret est venu de l’agriculture de conservation et de l’agroforesterie : cultures intercalaires, zéro labour.
Leçons apprises/perspectives :
L’agriculture est l’un des principaux secteurs économiques émetteurs de gaz vert au Mali et dans le monde. Par ailleurs, le développement de l’agriculture au Mali se fait au détriment des forêts (puits de carbone) car la production agricole croît en moyenne de 3 % par an par l’extension des surfaces cultivées et non par l’augmentation des rendements. Aujourd’hui, la bonne nouvelle est que l’agriculture peut contribuer à atténuer le changement climatique, à réduire la perte de biodiversité et que les pratiques respectueuses du climat peuvent être bénéfiques pour les agriculteurs. Il s’agit d’une relation gagnant-gagnant entre les agriculteurs et la nature.
Les agriculteurs peuvent montrer la voie en trouvant des solutions au changement climatique. Certains modifient déjà leur façon de semer, de lutter contre les mauvaises herbes, de gérer la santé des sols, de labourer et d’utiliser l’énergie et les carburants à la ferme. D’autres modifient la façon dont ils élèvent et font paître le bétail ou expérimentent le compostage et d’autres techniques de traitement du fumier qui non seulement augmentent la disponibilité des nutriments mais réduisent aussi les émissions de gaz à effet de serre. Ils peuvent également améliorer la qualité et la gestion de l’eau, favoriser une meilleure santé des sols et préserver la biodiversité, autant d’éléments qui sont essentiels à la sécurité alimentaire à long terme et qui aident les agriculteurs à produire des cultures saines et durables.
Ces solutions constituent la voie du changement positif que j’ai adoptée depuis 27 ans en promouvant des pratiques qui contribuent à atténuer le changement climatique et à s’y adapter, et qui présentent d’autres avantages. Les pratiques à faible niveau d’intrants et d’émissions peuvent accroître la rentabilité des exploitations en réduisant les coûts.
En d’autres termes, la lutte contre le changement climatique est l’occasion pour les agriculteurs de créer des systèmes productifs, offrant des moyens de subsistance durables et protégeant l’environnement.
Des solutions émergent lentement dans les exploitations agricoles du Mali, mais il reste encore beaucoup à faire. Pour parvenir à des fermes économiquement prospères et à un environnement sain, les agriculteurs ont besoin de soutien. Les gouvernements et les organisations internationales de développement comme l’ASDI peuvent soutenir une diffusion rapide des systèmes agricoles durables à faibles intrants en impliquant les agriculteurs en tant que parties prenantes et alliés dans ces efforts de changement.