Énergie • De Big Oil à Big Power ? En plein boom des renouvelables, les pétroliers se rêvent un avenir bas carbone
Sous pression, les majors pétrolières se tournent vers les services bas carbone et les énergies renouvelables, mais leurs engagements climatiques peinent à convaincre et concurrencent les acteurs existants dans l'éolien et le solaire.
Prises en étau par la pression de leurs actionnaires et de la société civile, quelques majors pétrolières entrevoient leur futur dans les services bas carbone et la production d’énergies renouvelables. Mais leurs professions de foi climatique peinent à convaincre, et leur entrée sur les marchés de l’éolien et du solaire concurrence les acteurs en place.
- Le Covid-19 redistribue les cartes des marchés énergétiques. En 2020, il s’est creusé un écart grandissant entre les dynamiques croisées d’un secteur renouvelable en plein essor et un secteur du oil and gas sorti exsangue de la crise sanitaire.
- Le changement climatique est un « problème existentiel » pour le secteur oil and gas. Les compagnies privées sont moins optimistes quant à la reprise de la demande de pétrole d’avant-crise. Les grandes entreprises font face à une double pression : d’un côté, les actionnaires veulent maintenir des dividendes élevés plutôt que d’investir dans des forages coûteux et difficiles. D’un autre côté, les régulateurs, investisseurs et ONG poussent l’industrie à réduire ses émissions et à jouer un rôle clé dans la transition énergétique.
- Les études ne manquent pas de souligner que les stratégies bas carbone des plus grandes companies dans le secteur ont aussi l’inconvénient de miser amplement sur des technologies encore non développées à grande échelle, et dont l’efficacité soulève des débats, comme la capture, l’utilisation et le stockage du CO2 (CCUS). À côté, des compagnies pétrolières sont nombreuses à prévoir une augmentation de leurs capacités de production d’énergie renouvelable.
- Les investissements dans le solaire et l’éolien dominent, mais les grandes entreprises européennes cherchent à diversifier leurs stratégies au-delà de la production d’énergie. Elles visent à devenir des « entreprises de services bas carbone » plutôt que simplement des producteurs d’énergie renouvelable, en réponse à l’objectif de « neutralité carbone » de l’action climatique mondiale.
Dans un contexte de déplétion des puits existants et de renchérissement des coûts d’exploration et d’exploitation de nouveaux champs toujours plus difficiles d’accès, les compagnies pétrolières sont désormais contraintes de courir plus vite pour faire du surplace. La dépendance au pétrole représente un risque à moyen terme pour l’industrie, qui cherche donc à profiter des vents favorables de la transition énergétique pour mener la transition de leur propre modèle économique. Cependant, la pénétration accélérée de quelques majors pétrolières sur les marchés des renouvelables depuis 2018 ne permet pas de conclure en un abandon du pétrole au profit de l’électricité renouvelable. Bien au contraire : c’est précisément le « cashflow » dégagé par les activités pétrolières qui permettent aux majors d’élargir aujourd’hui leurs activités non seulement à la production renouvelable, mais à l’ensemble des services bas carbone en développement. Ces stratégies procèdent davantage d’une volonté de croissance et de préservation des intérêts des actionnaires que d’une réelle adhésion à la lutte climatique, comme le laisse entrevoir la faiblesse des objectifs fixés dans leurs plans climat.
Principal véhicule de cette transition, les fusions et acquisitions réalisées par les majors pour racheter des actifs bas carbone dessinent les contours d’un marché des renouvelables de plus en plus concentré entre les mains d’une poignée d’acteurs dominants. Tout comme l’inflation des prix des concessions pour l’éolien offshore provoquée par l’entrée des pétroliers dans les appels d’offre.