COP28 : retour sur 8 annonces à suivre
[janvier 2024] À la COP28, alors que la déclaration finale par les Parties occupait tous les esprits, de nombreuses initiatives ont été lancées en dehors des négociations officielles... Retour sur huit annonces à suivre pour l'action climatique dans les mois à venir.
Note de l’Observatoire mondial de l’action climat
- Auteur : Tania Martha Thomas, chargée de recherche à l’Observatoire
- Date : janvier 2024
À la COP28, alors que la déclaration finale par les Parties occupait tous les esprits, de nombreuses initiatives ont également été lancées en dehors des négociations officielles : déclarations sous l’égide de la présidence émiratie, engagements initiés par des organes de l’ONU ou d’États individuels, initiatives d’entreprises ou d’organisations philanthropiques… Retour sur huit annonces à suivre pour l’action climat dans les prochains mois.
1. Les fondations philanthropiques s’engagent en faveur de l’adaptation et de la résilience
Treize fondations se sont engagées à augmenter les financements privés à destination de l’adaptation et de la résilience, avec un programme de travail échelonné jusqu’à la COP30.
Ces fondations se sont engagées à « accroître leur apprentissage, leur coordination, leurs investissements et leur impact global », tout en coordonnant leurs stratégies. Elles s’engagent également à remettre en question les normes actuelles de mise en œuvre, qu’elles considèrent comme un obstacle potentiel aux efforts d’adaptation, et à se concentrer sur l’impact transformateur plutôt que sur les niveaux de financement, ainsi qu’à adopter des pratiques d’adaptation locales.
Les fondations appellent également à un engagement plus étroit avec une sphère plus large d’acteurs, notamment les gouvernements, la société civile, les institutions financières et internationales. Cette initiative pourrait contribuer à réduire le déficit de financement de l’adaptation, étant donné que les flux actuels de financement de la lutte contre le changement climatique sont largement orientés vers les efforts d’atténuation, même dans le cas de financements philanthropiques.
2. La proposition du Brésil d’un nouveau fonds de conservation des forêts tropicales
Au début de cette conférence de deux semaines, le Brésil a proposé un nouveau fonds de conservation des forêts, visant à fournir à 80 pays tropicaux des financements pour aider à maintenir les arbres, en allouant des paiements annuels sur la base des hectares conservés ou restaurés. Le Brésil aurait l’intention de lever 250 milliards de dollars auprès de fonds souverains et d’autres investisseurs, notamment ceux de l’industrie pétrolière et gazière.
La proposition, intitulée « Tropical Forests Forever », est encore en cours d’élaboration et fonctionnerait par l’intermédiaire d’une organisation mondiale où les fonds pourraient être déposés et où d’autres fonds pourraient être levés par l’émission d’obligations à faible risque. Bien que la proposition ait suscité des réactions positives, car il s’agit d’une nouvelle approche du financement de la conservation, il reste à voir si elle sera mise en œuvre. Actuellement, malgré un financement croissant, le taux de déforestation ralentit très lentement au niveau mondial, et les puits de carbone dans les forêts tropicales s’effondrent.
3. Global Cooling Pledge
Avec le réchauffement climatique, la demande d’énergie et les émissions liées à la climatisation et au refroidissement des locaux augmentent, tout comme le nombre de personnes menacées par le manque d’accès à la climatisation.
Dans ce contexte, plus de 60 pays ont signé le « Global Cooling Pledge », une initiative conjointe de la « Cool Coalition » du Programme des nations unies pour l’environnement (PNUE) et de la présidence émiratie de la COP.
Les engagements comprennent une réduction des émissions issues du « refroidissement » (actuellement responsable de 7 % des émissions mondiales) d’au moins 68 % en 2050 par rapport à 2022, la promotion des stratégies de refroidissement dit « passif » (consommation énergétique net zéro), et « l’accès universel à des systèmes de refroidissement vitaux, la réduction de la pression sur les réseaux énergétiques et l’économie de milliers de milliards de dollars d’ici 2050».
4. Déclaration des EAU sur l’agriculture durable, les systèmes alimentaires résilients et l’action climatique
Les travaux de Sharm el-Sheikh sur l’agriculture et la sécurité alimentaire sont les seuls travaux officiels (official workstreams) de la CCNUCC sur l’agriculture et les systèmes alimentaires. Ils succèdent aux travaux conjoints de Koronivia sur l’agriculture établis lors de la COP23. L’objectif principal de la COP28 était d’établir une feuille de route opérationnelle, mais les négociations de cette année ont abouti à un texte essentiellement procédural.
Cependant, sur le même thème, sous la présidence des Émirats arabes unis, 159 pays – représentant plus des trois-quarts des émissions du système alimentaire mondial – ont signé la Déclaration des Émirats arabes unis sur l’agriculture durable, les systèmes alimentaires résilients et l’action climatique. Les signataires s’engagent à inclure les systèmes alimentaires dans leurs Contributions déterminée au niveau national (CDN) et autres plans nationaux d’ici la COP30.
Le même jour, plus de 200 acteurs non étatiques ont signé un appel à l’action pour la transformation des systèmes alimentaires. Ces annonces et signatures ont été accompagnées d’engagements financiers : 890 millions de dollars du consortium de recherche CGIAR, 57 millions de dollars du Bezos Earth Fund pour la transformation des systèmes alimentaires et environ 47 millions de dollars de la Norvège pour l’adaptation, en grande partie pour les petits exploitants agricoles.
5. Oil & Gas Decarbonization Charter
La charte de décarbonation du pétrole et du gaz (Oil & Gas Decarbonization Charter) a été lancée lors de la COP28 par la présidence émiratie et le royaume d’Arabie saoudite, qui ont annoncé que 50 compagnies pétrolières et gazières avaient rejoint l’initiative, « dédiée à un impact à grande échelle et à l’accélération de l’action climatique au sein de l’industrie ».
Concrètement, les entreprises s’engagent à « s’aligner sur » l’objectif net zéro d’ici 2050, à réduire à zéro les émissions de méthane et à éliminer le torchage d’ici 2030. Pour certains, ces engagements avaient déjà déjà formulés dans le cadre de précédente initiatives, comme la Zero Routine Flaring initiative (2015) sur le torchage du gaz.
Les signataires actuels (BP, ExxonMobil, Shell, Adnic, Equinor et Saudi Aramco) représentent plus de 40 % de la production mondiale de pétrole et sont composés à plus de 60 % de compagnies pétrolières nationales qui, jusqu’à présent, se sont révélées les moins performantes en termes de décarbonation.
Les critiques ont également souligné que l’initiative se concentre uniquement sur les émissions opérationnelles, ignorant les émissions en aval provenant de l’utilisation de combustibles fossiles, qui peuvent représenter jusqu’à 80 % de l’empreinte de ces entreprises.
6. La Déclaration commune sur le climat, la nature et les populations
La COP28 étant le premier grand événement climatique après l’accord historique de la COP15 sur la biodiversité en décembre 2022, un grand nombre de nouvelles initiatives et d’engagements se sont concentrés sur l’interconnexion des crises du climat et de la biodiversité, et sur la manière dont les actions peuvent répondre aux objectifs du cadre global de Kunming-Montreal pour la biodiversité et de l’Accord de Paris.
Ainsi, la présidence émiratie de la COP28 climat et la présidence chinoise de la COP15 ont annoncé une Déclaration commune sur le climat, la nature et les populations, soutenue initialement par 15 pays, qui se sont engagés à assurer la cohérence entre leurs prochains engagements nationaux en matière de climat (leurs CDN, autrement dit), qui doivent être soumis avant la COP sur le climat en 2025, et leurs prochains plans nationaux pour la nature, qui doivent être soumis avant la COP sur la biodiversité en fin d’année. Cette déclaration a été largement saluée par les groupes de la société civile qui plaident depuis longtemps pour la reconnaissance du lien entre les crises environnementales.
7. L’Alliance “Utilities for Net Zero”
Dans le cadre de cette initiative menée par l’IRENA (International Renewable Energy Agency) et les champions de haut niveau de la CCNUCC, 25 grandes compagnies d’électricité du monde entier ont formé le Utilities for Net Zero Alliance (UNEZA), afin de promouvoir l’adoption des énergies renouvelables, accompagnée de l’infrastructure nécessaire.
L’alliance doit également servir de plateforme pour surmonter les goulets d’étranglement de la chaîne d’approvisionnement et soutenir le flux de capitaux vers le secteur de l’électricité dans les pays du Sud global.
Parmi les compagnies d’électricité membres de l’alliance figurent TAQA (Abu Dhabi National Energy Company des Émirats arabes unis), EDF, E.ON, Enel, Engie, Iberdrola, Jinko Power, RWE, Uniper et d’autres, et représentent ensemble plus de 250 millions de clients. Actuellement, 84 % des 68 compagnies d’électricité les plus influentes n’ont pas d’objectifs net zéro alignés sur les scénarios de l’AIE, et 32 % n’ont pris aucun engagement pour augmenter leur capacité à faible émission de carbone.
8. Taskforce sur les politiques net zéro des entités non étatiques
La COP28 a également vu le lancement du groupe de travail (Taskforce) sur la politique net zéro, qui vise à aider à traduire en politiques les recommandations du groupe d’experts de haut niveau (HLEG) du secrétaire général des Nations unies sur les engagements des entités non étatiques en matière d’émissions net zéro.
Le groupe de travail s’efforcera de faire en sorte que la crédibilité et la responsabilité des engagements net zéro alignés sur les objectifs de 1,5 °C soient étayées par des politiques cohérentes.
Cette initiative intervient un an après la publication des recommandations du HLEG dans le rapport « Integrity Matters » lors de la COP27. Le groupe de travail comprendra les Principes pour l’investissement responsable (PRI) (qui en assurera le secrétariat), l’Initiative financière du Programme des Nations unies pour l’environnement (UNEP FI), la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED), le groupe Vulnerable 20 (V20), les Normes internationales d’information financière (IFRS) et d’autres organismes. La taskforce créera également un espace de partage des connaissances et des meilleures pratiques entre les décideurs politiques et les régulateurs, et fournira les recherches et le soutien technique nécessaires.