L’importance de la connectivité écologique et le rôle des corridors écologiques
[juillet 2023] Cette note d'analyse met en évidence l'importance des corridors écologiques dans la préservation de la biodiversité. Elle souligne le recul de la biodiversité dans le monde et présente une nouvelle vision de la conservation qui intègre la connectivité entre les écosystèmes.
- Auteur : Climate Chance
- Date : Juillet 2023
- Sommaire :
- Le recul de la biodiversité dans le monde
- Une nouvelle vision de la conservation
- Les corridors de biodiversité : un outil de renforcement de la connectivité et de l’adaptation des espèces
- Le projet démonstrateur en Guinée
Le recul de la biodiversité dans le monde
Les données scientifiques, émanant notamment de l’IPBES (Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques), alertent sur le recul de la biodiversité avec un million d’espèces en voie d’extinction en 2019. 75% des milieux terrestres sont fortement dégradés selon les experts internationaux (source Ministère de la transition écologique). Les Nations unies soulignaient en 2020 que l’ODD 15 sur la conservation de la biodiversité ne pourrait être atteint avec l’état actuel des aires protégées.
Face à ce constat urgent, la conservation connaît un changement de paradigme, tant au niveau de sa définition que de la gouvernance des aires protégées, où le rôle des peuples autochtones et des communautés locales pour leur gestion est de plus en plus défendu.
Une nouvelle vision de la conservation
Cette approche tient particulièrement compte des intérêts du niveau de connectivité entre les écosystèmes, dont les corridors écologiques sont un des instruments importants.
Qu’est ce que la connectivité écologique ?
Par connectivité écologique, on entend la possibilité pour les espèces de se déplacer sans entrave et le flux de processus naturels qui préserve la vie sur terre. Elle peut donc également désigner des écosystèmes continus souvent reliés par des corridors écologiques (glossaire actualisé du projet de cadre mondial de la biodiversité). Aujourd’hui, la moitié des aires protégées est connectée selon l’Indice de protection et connexion (Protconn).
On évoque aussi la notion de trame verte et bleue (TVB), une « démarche qui vise à maintenir et à reconstituer un réseau d’échanges pour que les espèces animales et végétales puissent, comme l’homme, circuler, s’alimenter, se reproduire, se reposer… et assurer ainsi leur cycle de vie. Le programme trame verte et bleue complète le panel d’outils au service de la protection des espaces naturels déjà existant (parc nationaux, parc naturels marins, réserves naturelles, etc), en prenant en compte l’ensemble des continuités écologiques identifiées dans les documents de planification.
La protection de la grande faune africaine et de ses espèces emblématiques, comme les éléphants, les chimpanzés et les lions, est ainsi une préoccupation majeure. Si la mise en place de zones protégées est l’outil phare de préservation des écosystèmes et de protection de la biodiversité et des services que celle-ci rend aux sociétés humaines, les recherches montrent aussi que leur efficacité dépend du degré d’intégration des projets de conservation dans les stratégies nationales et locales et de leur corrélation avec les autres plans de l’action publique : politiques de reforestation, réseaux hydriques, agriculture, développement économique des populations locales. L’impact des zones et autres aires protégées sur la biodiversité et la résilience des écosystèmes repose aussi sur la mise en place de réseaux de connectivité permettant de maintenir la diversité génétique des espèces, d’assurer leur migration naturelle et parfois même de les aider à s’adapter aux changements climatiques.
En limitant le morcellement des habitats naturels, les corridors écologiques sont une des formes de ces réseaux de connectivité.
Les corridors de biodiversité : un outil pour renforcer la connectivité de la biodiversité et pour l’adaptation des espèces
La connectivité entre les habitats essentiels des réseaux de conservation est assurée par ce que l’on nomme des « corridors », « un espace géographique clairement défini qui est régi et géré à long terme dans le but de maintenir ou de restaurer une connectivité écologique efficace »
Ils peuvent prendre diverses formes : haies, chemins agricoles, cours d’eau, etc. ne sont pas toujours continus et peuvent constituer des « étapes-relais ». Les corridors sont souvent des projets colossaux, qui exigent plusieurs années d’étude des déplacements des espèces et de la cartographie du terrain ainsi qu’une gestion nécessitant une étroite collaboration entre les acteurs. Ils sont en général mis en place autour de zones stratégiques, comme des forêts ou des points d’eau, qui entrent souvent en conflit avec les activités humaines qui utilisent aussi ces lieux. En facilitant leur migration, les corridors permettent aussi aux espèces sauvages de s’adapter aux changements saisonniers et aux perturbations écologiques renforcées par le changement climatique tels que les feux naturels ou les pénuries d’eau.
L’évaluation des corridors mis en place depuis la fin des années 1990 est récente. Il apparaît que les projets présentant de bons résultats sont ceux qui ont fait l’objet d’une collaboration entre tous les acteurs et, entre les échelles nationale et locale. Cette collaboration est en général permise et facilitée par des acteurs tiers, comme des fondations internationales ou des ONG qui jouent un rôle d’intermédiation entre les gouvernements nationaux et locaux et les populations locales. Ces intermédiaires effectuent d’abord un travail de sensibilisation au projet et de mise en relation entre les différentes communautés, avant de s’assurer de la redistribution des bénéfices jusqu’aux populations locales.
Le projet démonstrateur en Guinée
Climate Chance, qui travaille au renforcement de l’action climatique internationale en fédérant une pluralité d’acteurs, développe un nouveau pan de son activité en annonçant lors de la COP15 le lancement de la Coalition Internationale “Corridors de Biodiversité en Afrique”. L’ambition de cette initiative est de mobiliser une coordination d’acteurs afin de partager les connaissances, renforcer les capacités sur cette problématique transversale, trouver des solutions de financements innovants (dont celles basées sur la compensation) et développer des projets démonstrateurs.
C’est en mai 2023 que Climate Chance annonce le lancement officiel du premier projet démonstrateur de la Coalition, “Corridors de Biodiversité en Guinée”. Avec l’appui du Ministère de l’Environnement et du Développement Durable de la Guinée et le soutien de l’Agence Française de Développement, fort d’un partenariat multi-acteurs et transversal engagé avec Biotope, Ecoact, Guinée Ecologie, Matthieu Wemaere, Wild Chimpanzee Foundation, le projet vise à créer et entretenir un corridor du Nord au Sud de la Guinée, avec des enjeux de développement local.
En effet, la Guinée est le deuxième poumon écologique du continent Africain et elle dispose d’une biodiversité riche et préservée. Le corridor, qui s’étend de la frontière Guinéo-Sénégalaise jusqu’en Sierra Leone, a pour objectif de maintenir la connectivité entre les différentes aires protégées du pays et préserver la libre circulation des espèces. L’ambition du projet est aussi de créer une conciliation entre économie et biodiversité en créant des activités génératrices de revenus, en faveur des communautés locales, et ainsi valoriser financièrement leur implication dans la préservation de la biodiversité.
La méthodologie déployée pour ce projet présente plusieurs volets : la connaissance des territoires via une cartographie du périmètre de projet, la mise en place d’actions de terrains soutenues par des financements adaptés et la certification intégrant des co-bénéfices biodiversité et connectivité écologique. L’expérience acquise par la mise en place de corridors démonstrateurs a pour vocation de créer des méthodologies de conservation de la connectivité réplicables pour d’autres projets similaires sur le continent Africain.